Le travail du fer au Moyen Age

Voici l'exemple d'une lame feuilletée et ouvragée faite par un coutelier dans une forge d'élaboration.
a) L'écrouissage : étirage à froid de lingots de fer pur sur l'enclume par martelage de façon à former une barre de fer pur.
b) La cémentation : chauffe pendant cinq ou six heures d'une partie des barres dans le foyer au sein du charbon de bois en combustion. A terme, le cément, carbone contenu dans le charbon de bois, a diffusé dans la masse du lingot (cémentation à cour). De la carburation du fer résulte des barres d'acier.
c) Le damassage par assemblage :
. préparation adéquate des surfaces à travailler à l'aide d'un fondant désoxydant comme les cendres qui éliminent tout risque d'oxydation nocive des surfaces durant le soudage.
. réalisation à blanc soudant - les forgerons déterminent la température d'un métal à sa couleur - d'une structure composite comprenant une superposition alternant 4 barres d'acier et 3 bandes de fer pur appelé lopin.
. afin d'obtenir une bande feuilletée dont la section présente une superposition de fer et d'acier, le lopin est :
Martelage sur enclume
-> martelé,
Tranchage sur enclume
-> tranché,
Pliage sur enclume
-> plié sur lui-même en "accordéon" à plusieurs reprises,
-> aplanis sur l'enclume au marteau et amenés à l'épaisseur de l'ébauche de la lame.
La bande feuilletée forme la partie centrale, ou l'âme, de la lame.
Lame
. les tranchants sont alors soudés à chaud en chevron pour augmenter la surface de soudure et par là, la dureté.
d) Mordançage : des effets décoratifs sont obtenus par une attaque de la surface à l'aide de bains d'acides.
Damasquinage
e) Le damasquinage : apposition de la signature du fabricant ou des filets décoratifs d'or ou d'argent, qu'il incruste au marteau dans des motifs qu'il a préalablement incisés.
f) La trempe : la lame est trempée dans un baquet d'eau disposé à cet effet pour la refroidir rapidement et obtenir une structure stable à chaud - métastabilité - et, à température ambiante, un acier dur mais cassant, la martensite.
Lame sur enclume
g) Le revenu : la lame trempée est réchauffée, mais à une température inférieure à celle de transformation, puis refroidit lentement à température ambiante, en vue de détruire l'état de faux équilibre dû à la trempe.
h) Les finitions : il ne reste qu'à meuler la lame sur de grandes meules de pierres et à la polir sur un établi. Les poignées et manches sont réalisés en bois, os, corne ou cuir.
g) La réparation et le remploi : uUn objet en fer usé ou endommagé était soit recyclé pour sa matière, soit réparé quand son degré de dégradation n'était pas rédhibitoire, ou encore, transformé en un nouvel objet. Ainsi, il est possible de redresser des clous arrachés ou de réaliser des charnières de portes à partir de lames de faux usagées.
. La réparation de petits ustensiles se fait par brasure, c'est-à-dire par apport d'un métal fusible - qui peut être fondu - pour réaliser la liaison.
. La réparation de plus gros objets se fera par soudure.
Il pourront être aussi réaffutés, certaines parties usées ou cassées remplacées.


La forge médiévale

La forge présente une construction assez rudimentaire :
Calotte
. une calotte de terre réfractaire au-dessus d'une console où le charbon de bois brûle.
Soufflet
. des soufflets latéraux en général manouvrés à la main.
Enclume
. une enclume, fixée sur un socle de bois enchâssé dans le sol pour travailler le métal chauffé, comprend une surface plane, la table, pour étirer et aplanir ainsi qu'une surface conique, la bigorne, pour courber et arrondir.
. un baquet d'eau pour la trempe.
. une série d'outils - marteaux et tenailles en tout genres.
Ces éléments tiennent sur 10 ou 15 mètres carrés et une certaine pénombre de l'atelier de forge peut même aider à apprécier la couleur du métal donc sa température.
En général, les ouvriers travaillent à deux ou trois :
. le maître de la forge frappe au marteau sur un billot métallique.
. le valet, tenailles ou pelle en main, présente le métal au four, puis au maître.
. un apprenti, parfois, active la soufflerie.
Pour se protéger des étincelles jaillissantes, les travailleurs portent de longs tabliers de cuir et parfois des gants.
Le forgeage est l'opération pratiquée par le forgeron sur l'enclume pour mettre en forme des objets à partir de lingots ou autres pièces de fer.
La transformation du lingot de fer en objet se fait dans la forge d'élaboration.

Quelques spécialités :

. armurier, fabricant d'armes et armures
. chaînetier, fabricant de chaînes
. coutelier, fabricant de couteaux et d'instruments tranchants
. haubergier, fabricant de hauberts de mailles
. taillandier, fabricant d'outils propre à couper, tailler (cisailles)
. ...

Bibliographie :

. AGRICOLA Georgius (traduit de l'édition originale latine de 1556 par Albert France-Lanord), De Re Metallica, éditeur Gérard-Klopps, Paris, 1992.
. ARNOUX M., Mineurs, férons, et maîtres de forges : études sur la production du fer dans la Normandie du Moyen Age, XIe-XVe siècles, CTHS, Paris, 1993.
. FINO J. F., « Notes sur la production du fer et la fabrication des armes en France au Moyen Age », Gladius, 1963-1964, p. 47-66.
. FOSSIER R., Le Travail au Moyen Age, "La vie quotidienne", Hachette Littératures, Paris, 2000, p. 229
. FRANCE-LANORD A., « La fabrication des épées mérovingiennes et carolingiennes », Revue de Métallurgie, 49, 1952, p. 411-422.
. MANGIN M. et alii, Forgerons et paysans des campagnes d'Alésia (Haut-Auxois, Côte d'Or) : la terre, le fer, la route en pays mondubien (Ier s. av. -VIIIe s. ap. J.-C.), CNRS, Paris, 2000, p. 385-386.
. MANGIN M., Le fer, "Archéologiques", Errances, Paris, 2004.
. ZSCHOKKE B., « Du damassé et des lames de Damas », Revue de Métallurgie, 21, 1924, p. 635-669.

Sites

. Pour la forge : http://www.projects.yrdsb.edu.on.ca/pioneer/forgeron.htm


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